Manuel de Cristallographie
  Chapitre 3
[Note de Serge Nollens : J’ai écrit ce genre de chapitres biographiques pour agrémenter le site internet des Narcisses ainsi que pour la commande des magazines qui souhaitaient avoir plus d’informations sur la musique des Narcisses en plus des démos que le groupe leur envoyait, des chansons qu’ils pouvaient télécharger ou des concerts qu’ils retranscrivaient. Aujourd’hui je les reproduis après les avoir légèrement réécris.]
L’origine des Narcisses
Les Narcisses, au début, n’étaient que Raphaël Dermée, le suivant à travers la sortie de son adolescence jusqu’aux méandres de la vingtaine. « Ce n’était que moi et la guitare qu’on m’avait offerte, vraiment ». Pour Raphaël, être seul ne l’empêchait pas d’être dans un groupe, de le nommer et de le construire selon un objectif bien précis. « Je ne pouvais me permettre d’attendre quoi que ce soit, de la part de qui que ce soit ». Avec une classique Fender Stratocaster entre ses mains, il essaya d’apprendre les morceaux les plus simples de ces groupes préférés. Il ne connaissait rien au solfège et se débrouillait avec des tablatures récupérées en grandes parties sur internet, outil qui très certainement donnera naissance à de nombreuses vagues de musiciens pour laquelle la culture n’est non pas offerte, le prix des instruments restant élevé, mais disponible et compréhensible. « En fait, je ne connaissais même pas les accords, je n’avais aucune intention de faire d’effort pour les connaître ». Il apprit très difficilement à maîtriser une poignée de morceaux, s’entraînant en secret, en faisant le moins de bruit possible, et surtout sans jamais donner de représentation, même pour une seule personne. « Je ne voyais pas l’intérêt. Je n’étais pas bon, absolument pas bon. Malgré ça je savais jouer presque tout l’album des Moldy Peaches et ça me semblait suffisant ». Ca aurait pu s’arrêter là. Point, pas de retour à ligne. Un jeune homme qui joue ses morceaux préférés dans sa chambre, avec la porte fermée à double tour. Quoi de plus banal et quoi de plus banal encore que ce jeune homme « Je n’étais même pas assidu. Je jouais un peu comme ça, pour rentabiliser le prix de la guitare. Il arrivait que je ne joue plus pendant des mois et pour m’y remettre, je perdais des heures à retrouver ce que j’avais déjà acquis ». C’était l’amour de la musique, de ses icônes et de leurs vies qui allait l’inciter à aller plus loin, en quelques sorte forcé à sortir du rang par sa propre banalité. « Je savais que j’étais banal, mais je ne pensais pas forcément que la guitare allait changer ça. Je restais banal malgré toutes mes excentricités, malgré tous les livres, les disques et les films que je possédais. Ça n’était pas la pratique de ce que j’admirais depuis tant d’années qui allait changer les choses. Evidemment j’avais tort ». Tort parce qu’au fur et à mesure de ses expériences, Raphaël s’améliorait et commençait à y croire. « Je me suis rendu compte que la guitare m’isolait. Irrémédiablement. M’enfermer dans ma chambre était une partie du processus mais je ne le faisais pas si souvent que ça. Non, ça m’isolait parce que je ne le faisais pas comme les autres. Ça a révélé mon caractère à mes yeux, à ceux de mon entourage. Quand les gens savent un peu que tu joue de la guitare, il te demande d’égayer leurs soirées. Et moi je leur jouais les Moldy Peaches, et je les jouais de la seule façon possible, pas seulement mal. Très mal. Eux, ils attendent des chansons qu’ils connaissent, qui passent à la radio. » Et ça, Raphaël n’en connaissait aucune. « Continuer à apprendre ma musique, celle qui me tenait à cœur, devenait un obstacle dans ma vie quotidienne, pour mon intégration dans le monde normal. Donc ça m’a incité à continuer, forcément. Ça s’appelle l’esprit de contradiction ». Il venait d’acquérir une motivation, et avec une motivation, il pouvait aller où il voulait. Dans son royaume de cordes, il côtoyait ses idoles, Morrissey, dont il allait plus tard se faire tatouer le nom sur le bras gauche, Syd Barret, John Lennon, Lou Reed. « Partout je voyais des gens qui étaient comme moi. Quand je dis partout, je veux dire « ailleurs ». Plein de gens de mon âge fondaient des groupes, écrivaient des chansons, et c’était leurs disques que j’écoutais. Il y avait donc de l’espoir, même s’il était loin et que je n’avais pas envie de bouger ». Devenu paria, le temps qu’il s’était octroyé pour s’exercer se mit à s’étendre de plus en plus sur sa vie quotidienne, il séchait l’école (« à partir d’un certain moment, on se rend compte que le programme est le même d’année en année, comme pour mieux nous enfermer dans la même vérité »), à dormir peu la nuit, à consacrer toutes ses vacances à la guitare (pendant que les autres, d’après lui, « allaient mendier le pire des boulots pour être payés comme des chiens, un peu comme s’il se préparait déjà à devenir des chômeurs complètement désespérés »). Lui se préparait à toute autre chose. Devenir un groupe, et non pas une star, ce qui reviendrait à désirer la même chose que la masse, pas non plus une rock star, un terme qui ne voulait déjà plus rien dire. « Devenir une star. Wahou, le rêve de TOUS les gens que j’ai pu rencontrer. Même moi, j’en ai sans doute rêvé. Tu comprends facilement quand de ce cas-là, la sélection est drastique et les places peu nombreuses. Alors il faut juste se rendre compte qu’être écouté par des millions de personne ne changera rien à aucun de tes problèmes. Ça ne rendra pas ta vie plus belle. Alors que rencontrer des personnes avec qui tu partage des affinités, avec qui tu pourras partager ta vie, avec qui tu pourras créer, faire des choses, ça c’est magnifique ». Il en était malgré tout bien loin, et malgré le fait que côtoyer cet idéal à travers ses rêves lui semblait déjà beaucoup, il continuait à s’entraîner et à progresser à la guitare. Son plus grand obstacle se dressait maintenant devant lui : après le reste de l’humanité vite écarté, il ne restait plus que lui, ses propres limites, à dépasser. Il écrivait petit à petit ses propres morceaux, complètement déstructurés, crées à partir de l’inspiration que le hasard produisait par la superposition de ses doigts aux cordes de sa guitare. Si la musique de cette manière venait simplement, le chant et les paroles étaient beaucoup plus difficiles à obtenir. « Je n’arrivais pas à différencier le rythme de mon jeu de guitare et celui de ma voix. Je n’ai d’ailleurs aucun sens du rythme, encore aujourd’hui. A l’époque, je me contentais de marmonner le même discours que ma guitare. Totalement inintéressant ». Il se mit à tourner en rond, à jouer sans cesse les mêmes choses, à détester ce qu’il jouait et à finalement mettre la musique de côté pour se consacrer plus pleinement au groupe. Le groupe était une construction. A ces yeux, il devait être la somme de tout ce qu’il avait acquis, de tout ce qu’il avait désiré et s’était battu pour obtenir. « C’était moi, sans mon caractère, ma voix, mes peurs, mes doutes, mes croyances. C’était ma coupe de cheveux, mes disques, ce que j’avais appris dans les livres et dans les films. » Le nom des Narcisses lui venait d’un livre de Freud. C’était une fleur, un mythe, et un trait de caractère. Il se reconnaissait dans les trois, l’obsession végétale de Morrissey, la façon de vivre de Narcisse dans le mythe, et le fait que se repliant sur lui-même et sa guitare, rejetant les autres et ce qu’ils pouvaient vouloir, il était narcissique. Le groupe, c’était Les Narcisses, au pluriel, parce qu’un groupe est toujours plus que la somme de ceux qui le composent. Malgré tout, Raphaël attendait secrètement de pouvoir justifier ce « s » à la fin du nom qu’il donnait à son espoir.
Les débuts des Narcisses
Au fil des années, Les Narcisses restaient une anomalie orthographique, Raphaël Dermée restait avec sa guitare, plein de connaissances basiques et d’envies inassouvies. Finalement, le courage le quitta. « Durant tout ce temps, je jouais très peu, au lieu de cela je commençais à écrire, des ébauches de romans, de films. Surtout je me gavais de musique et de cinéma. Sans arrêt je suivais mon exploration. Bien sûr, ça peut sembler passif, mais quand on écoute et regarde certaines choses, c’est déjà de l’activisme ». Admirateur absolu des films de Suzuki Seijun, la toute première chanson qu’il arriva à composer tant bien que mal s’appelait « La jeunesse de la bête ». Arrivé à l’âge de 20 ans, il commença à travailler dans une usine de voiture, et ce simple fait, banal dans la vie de n’importe qui, allait bouleverser la sienne. Par sa fenêtre, il regardait le parking des voitures manufacturées attenant à son building et quand le soleil brillait, il voyait les centaines de voitures se transformer en une mer de tôle sur laquelle le soleil se reflétait. « Quelque chose de génial m’est arrivé, et quelque chose d’horrible a immédiatement suivi», à ces mots, il laisse ses yeux suspendus dans le vide comme dessinant des points de suspension incomplets. Nous n’en saurons pas plus. « C’est à partir de là que les choses ont dégénérées. Je devenais fou. Je voyais des choses qui n’existaient pas ». Les tiroirs se mettaient à s’ouvrir d’eux-mêmes, les murs bougeaient, vivaient. Il voyait des visages s’y dessiner, arborant une expression triste quand il faisait mine de ne pas les remarquer et souriant s’il les regardait et allait leur parler. « Je n’ai aucune idée de ce qui se passait. Pour moi, c’était la façon très étrange que mon corps avait de me prévenir que je prenais la mauvaise direction ». Un jour, une balle de fusil traversa la vitre de son bureau et s’encastra dans le mur d’en face, le même mur qui abritait ces visages étranges. Bien sûr, Raphaël crut encore une fois que ses étranges hallucinations prenaient le dessus sur sa volonté. Mais à quelques centaines de mètres de là, Tristan Werhlen avait bien tiré au fusil en direction de sa fenêtre. « J’avais souvent remarqué des morceaux d’êtres humains qui dépassaient du parking, des bras, des têtes énigmatiques à différents endroits. J’avais laissé tomber toute interprétation. Ou bien c’était les chauffeurs des voitures, ou bien c’était encore dans ma tête. » En réalité, ce n’était rien de tout cela. Depuis qu’il était en âge de travailler, Tristan Wehrlen était un des employés les plus secrets de l’usine. Il était son unique tireur. Les tireurs sont une catégorie d’employés qui existent pratiquement depuis le commencement de la construction industrielle de voitures. En attendant les retouches ou les commandes, les voitures sorties des lignes de production sont parquées dans l’usine elle-même pour quelques jours ou quelques mois. Elles sont entreposées en l’état, complètes, les sièges encore enveloppés dans leurs housses de plastiques, sans plaques d’immatriculation, et sont exposées aux intempéries, à la pluie, à la neige, à la grêle. Pour les dégâts irrémédiables comme ceux de la grêle, des équipes entières de mercenaires de la tôlerie sont dépêchées dans les usines afin de sortir à coups de marteaux les trous de grêlons. Mais ils existent des dégâts bien plus importants de part leur fréquence et pour lesquels aucune assurance ne paie. Pour cela, il faut faire du préventif, pas de la réparation. Les pigeons font partie de ces types de dégâts, leurs fientes plus particulièrement. Il n’y a aucune solution miracle : les grillages ne servent à rien, couvrir chaque voiture ou construire des abris coûte trop cher et prend trop de places. C’est là que les tireurs et Tristan Wehrlen en particuliers interviennent. Armés de pièges, de produits toxiques et de carabines, leur rôle est de tuer les pigeons. Faire en sorte que pas un seul ne survive à son survol de l’usine. « C’est le boulot le plus cool qui puisse exister » en dit Tristan Wehrlen, « et si un jour Les Narcisses s’arrêtent, c’est ce que je ferai à nouveau ». Les tireurs sont des employés privilégiés, bénéficiant d’une autonomie complète, d’horaires flexibles à souhaits, et du droit de faire feu. Leur seul impératif est qu’aucun pigeon ne s’approche vivant des parkings. A ce jeu, Tristan était le meilleur. Jusqu’à ce que cette balle aille se loger dans le bureau de Raphaël Dermée. Ce jour-là, Tristan tenait un pigeon voltigeur dans son champ de mir, ce pigeon lui résistait depuis de nombreux jours, et extenué par la traque, il brisa la seule règle du métier : ne pas tirer avec un angle se situant dans les 180° inférieurs. « C’était la providence ou ma connerie. Enfin, ça m’amena à rencontrer Raphaël. La première chose que j’ai faite, c’est de le supplier de ne rien dire à propos de la balle qui était dans son bureau. La deuxième, c’est de le menacer de meurtre si jamais il caftait quand même là-dessus ». Ils parlèrent et échangèrent leurs points communs pendant le reste de la journée. « Il y avait un type qui s’appelait aussi Werhlen dans une de mes classes au lycée et je me souviens que je sursautais toujours en entendant son nom, et je restai des heures à l’envier, avant que je me rende compte que ça ne s’écrivait pas Verlaine et que le type était un parfait imbécile ». Avec Tristan, l’orthographe ne collait pas non plus, mais au moins il connaissant le poète, et d’une autre façon que celle qu’on apprend en classe de français au lycée. Il n’était d’ailleurs jamais allé au lycée. « A partir de ce jour-là », explique Raphaël Dermée, « j’ai arrêté de me raser, de me couper les cheveux, de faire mon boulot correctement. Evidemment les visions ont disparu. ». Leur séjour commun à l’usine ne dura pas longtemps et Tristan Wehrlen fut le premier à partir : « ils avaient quand même remarqué le coup de la balle quand ils ont du changer la vitre du bureau de Raphaël. J’avais un certain passif. J’avais un certain avenir. Ils m’ont viré ». En réalité, leurs vies ne furent plus jamais les mêmes. Tristan faisait de la musique depuis son plus jeune âge, il savait jouer de tous les instruments. Dans un premier temps, à l’usine, Tristan invitait Raphaël à venir chasser avec lui, et il finissait par lui donner des cours de guitare au milieu des voitures anonymes et orphelines. Tristan était le plus prompt à tout oublier de son devoir : il ne tuait plus les pigeons, leur fabriquait des abris et y entreposait des graines. Séduit par le nom dont s’était paré Raphaël, il tagguait « Les Narcisses » sur la carrosserie des voitures, et gravait ce nom dans l’habitacle, sur le tableau de bord, et sur les moteurs. Après le licenciement de Tristan, Raphaël ne se présenta pas à son travail et n’y revint plus jamais. Au lieu de cela, il sonna chez Tristan Werhlen, sa guitare et un sac contenant ses affaires dans les bras. A présent, plus rien ne pouvait les arrêter. Tristan aida Raphaël à terminer ses morceaux, à perfectionner « La jeunesse de la bête » et il jouait de la guitare pendant que Raphaël apprenait à placer sa voix par-dessus. Avec du temps libre, un lieu de répétition, et une volonté nouvelle, ils eurent vite un répertoire qu’il leur tardait d’aller essayer sur scène. « Le plus important …» dit Tristan Werhlen « c’est que des gens roulent aujourd’hui avec le nom « Les Narcisses » planqué quelque part dans leur bagnole. Pour moi, c’est ça la clé ».
Les concerts des Narcisses
La première apparition des Narcisses, comme pour tous les groupes, fut un désastre complet. Ils eurent le privilège de jouer trois de leurs compositions à une soirée micro-ouvert d’un bar quelconque, et bien que le public ne hua pas, il n’applaudit pas pour autant. « La salle était vide, mais ça c’est le plus gros cliché rock du monde, donc on devrait éviter de l’utiliser. Quoi qu’il en soit, on a pris un pied monstre à jouer sur cette minuscule scène. J’ai été évidemment malade durant toute la semaine qui précédait le concert et après j’étais guéri. Je ne suis plus jamais anxieux avant un concert ». Les Narcisses persistèrent dans leur voix, après tous le public n’avait pas l’air si mécontent d’eux, juste indifférent. Face à cela il ne leur restait plus que deux choix : progresser et conquérir le public ou devenir assez affreux pour qu’il les haïsse. « Je ne sais toujours pas quel a été notre choix ». A deux, sans emplois, ils écumaient toutes les soirées micro-ouvert et répétaient en journée. Bientôt, au fur et à mesure des concerts, ils remarquaient d’eux-mêmes certains progrès : ils arrivaient à se composer un répertoire, fait de reprises et de compositions, ils évitaient sur scène les erreurs dues au stress et gagnaient une complicité qui pouvait laisser la place à de l’improvisation. Le public, lui, était toujours indifférent. « On s’est rendu compte que ce n’était pas le bon public tout simplement, que l’on n’allait pas dans les bons endroits ». Durant cette période d’errance qui dura plusieurs mois, ils trouvèrent tout de même leur plus grande fan : Louise Champagne, la serveuse d’un des bars, qui partageait leur âge et leurs références. « Je me rappelle surtout de leur reprise de Mad John des Small Faces, à deux guitares, et c’est là qu’on entrevoyait le potentiel de la voix de Raphaël ». Louise fréquentait les squats et les concerts du milieu néo-punk et y emmena Raphaël et Tristan. Là-bas, ils comprirent que pour être entendus, il leur fallait faire du bruit, c’est-à-dire abandonner les concerts folks pour passer à l’électricité. Aidés par Louise Champagne, ils eurent un strapontin en avant première-partie d’un groupe, avec autorisation d’utiliser leur matériel. « On voulait marquer les esprits. Il le fallait absolument. Un seul premier coup, et tout empocher de la soirée. Créer le désir. ». Ils ne jouèrent qu’une seule chanson lors de ce concert, et ils occupèrent la scène seulement six minutes sur les quinze qui leur avait été attribué. Ils arrivèrent torse nu sur scène, vêtus seulement de jeans qu’ils avaient, l’après-midi même, aspergés de peinture à l’aide d’une brosse à dent. La chanson choisie était Shangri-La des Kinks, qu’ils jouèrent dans un déluge de décibels. Raphaël chantait le début de la chanson seul dans son micro, sans aucun autre accompagnement que les discussions et les engueulades du public dans la fosse. Puis il s’accompagnait de quelques notes avec sa guitare dépourvue d’effets, en même temps que Tristan doublait sa voix depuis la batterie. Un blanc marquait le moment où Raphaël appuyait sur sa pédale de distorsions et plus rien ne fut pareil. Avec le tempo imposé par Tristan et la partie de guitare de Raphaël spécialement arrangée pour l’occasion, le premier refrain ne semblait plus s’arrêter. Puis un nouveau couplet, un autre refrain, et le pont, durant lequel le rythme de Tristan se fit syncopé pour supporter la voix de Raphaël qui ne respirait plus. Ensuite, Tristan quitta sa batterie, prit la guitare de Raphaël qui descendit dans le public. Les voix étaient hésitantes, moqueuses dans le micro qu’il tendait à l’assistance, mais pour le tout dernier refrain, ce fut une avalanche de Shangri-La hurlés qui manquèrent de faire s’effondrer la salle. « C’était bêtement une reproduction de l’original, exactement comme elle devait être jouée, exactement comme elle avait été gravée sur « Arthur or the Decline of the Fallen Empire ». Mais les gosses là-bas, des gosses de notre âge, n’en savait rien, et aujourd’hui encore on nous demande si notre chanson va sortir un jour en single. » Leur interprétation fut remarquée et ils purent s’incruster petit à petit dans toutes les premières parties possibles, jusqu’à avoir leur nom sur les flyers. A chaque prestation, ils essayaient quelque chose de nouveau, une chanson, une reprise, des instruments. Ils n’abandonnaient pas leur obsession première et jouaient souvent un ou deux morceaux sans électricité, parfois même sans micro, tout en rajoutant de l’énergie punk, en les jouant le plus vite possible. « Petit à petit on se gagnait un public, des gens qu’on retrouvait d’une salle à l’autre, sans que l’on sache si c’était fortuit ou volontaire de leur part. Ils commençaient à vouloir nous écouter au lieu de nous entendre ». Lors d’un concert particulièrement détendu, Raphaël emprisonna toute la scène dans un délire de fil de laine bleu, créant un espace piégé et protégeant, lançant la bobine de laine au public qui enrubanna le reste de la salle de concert. « C’était un truc que je faisais étant enfant. Avec une copine, on piégeait comme ça toute ma chambre, et sur mon lit, protégé par la toile, on se tripotait. On avait 7 ou 8 ans ». Dans la salle, les vrais amis, dont Louise Champagne, s’occupaient de faire passer la bobine autour des colonnes, de l’attacher à certains endroits, et d’en distribuer d’autres au public. « C’est là qu’on a commencé à se rendre compte qu’on avait construit quelque chose. Aussi sûr que le fil bleu me protégeait étant gosse, il célébrait ce jour-là notre union à tous. » Les Narcisses avaient gagné leur statut de première partie luxueuse et de tête d’affiche occasionnelle. Si pour suivre leurs désirs, ils avaient quitté le monde réel, désormais un autre s’offrait à eux, un cadeau enrubanné de fil bleu, il ne leur restait plus qu’à dérouler le fil et déchirer le paquet. « Tout à coup, nous avions ce dont nous rêvions. Les filles, les amis, les folles nuits passées à divaguer sur le cinéma asiatique, sur les bouquins de Burroughs. ». Ils le savent, ceci ne diffère en rien de la vie de jeunes gens ordinaires : boire, rire, vivre vite. « Mais nous avions gagné le droit d’être nous-mêmes et de nous épanouir. Nous n’étions plus des lépreux, des gens incompréhensibles et incompris. Si tu es obligé de passer ta vie à déambuler dans les rues mornes de villes dortoirs, c’est horrible. Mais si tu as ton imagination, si tu peuples le bitume des créatures qui font tes rêves et tes cauchemars, alors ta vie est pleine d’aventure. La plupart des gens se contentent de voir le fil bleu, de regarder ses enchevêtrements, de se perdre dans ses boucles et ses allers-retours. Nous, nous tachons d’aller jusqu’au bout, et au bout il y a le paradis. »

La philosophie des Narcisses
« On ne révolutionne rien » quand il dit ça, ses yeux roulent sur le coté « c’est ça qui est révolutionnaire ». Au fond, et c’est évident pour tous, du groupe aux critiques en passant par les fans, la première affirmation de la phrase est vraie : les Narcisses ne révolutionnent rien, dans la musique, l’attitude ou les paroles, ils suivent leurs aînés. Alors forcément, une question se pose : « Pourquoi nous, hein ? Pourquoi les Narcisses seraient meilleurs que les autres, pourquoi ils mériteraient une place dans l’histoire, avec un petit ‘h’, un grand ‘H’, en majuscule, en lettres dorées, en tout-ce-que-tu-veux ? ». Justement, leur force est qu’à aucun moment, ils ne réclament cette place, à aucun moment ils ne veulent voir des posters d’eux sur les murs des gosses de 15 ans, à aucun moment ils ne réclament l’attention des médias, à aucun moment ils n’envisagent de jouer dans des stades. Ils mènent leurs vies, se débrouillent pour manger tous les jours, pour voir du pays, et chaque jour l’acte de création, l’écriture d’une nouvelle chanson, interpréter leur répertoire sur une scène inconnue, est leur plaisir, leur façon d’acquérir du bonheur, la seule façon de vivre. « Vivre, c’est faire ce que je veux. Selon la personne qu’on est, ça peut être horrible ou génial ». Que veulent les Narcisses : voir des films, lire des livres, transpirer sur la scène, dériver dans les rues en s’imaginant vivre. Ils ne sont pas intéressés par l’argent, par la postérité. C’est ça leur révolution « La révolution, c’est vouloir que ses idées deviennent le mode de vie de tous le monde. Personnellement, je n’ai aucune envie que la terre entière pense comme moi. Par contre si je peux rencontrer des gens qui vivent comme moi, ça m’intéresse. Ca me permet d’être plus heureux, d’oublier mes maux. Et c’est pareil pour tous ceux que je rencontre ». Les Narcisses vivent dans l’ombre et ils sont la récompense de ceux qui les cherchent. « Chhuuut, nous sommes un secret … », c’est de cette manière que commence leur chanson « Corpus Delicti », et ça pourrait être leur seul mot d’ordre, leur seul slogan. Quand ils mettent à disposition leur musique sur internet, c’est pour éviter de la voir étalée dans les magasins, dans les supermarchés, à côté du poisson et des pattes. N’exister, n’être disponible que sur internet, cela veut dire être le résultat d’une quête, et cette quête ne fait qu’ajouter du plaisir à celui de l’écoute. A en croire le nombre de téléchargements d’une de leur meilleure session, la « session 391 », ils étaient plus de 3000 à être arrivés au bout de la quête. Pour cela, ils ont du au préalable voir un des concerts des Narcisses, ou bien entendre parler d’eux par le bouche à oreille, ou bien être tombé dessus par hasard sur internet. Chaque quête est différente, motivée par des intérêts très variés. De toutes les façons, les Narcisses insistent sur cette notion de quête, de recherche de sens à travers l’artifice, à travers la musique. « On pourrait penser que c’est une quête religieuse, mais il ne s’agit pas de ça ». Non, il s’agit plutôt de la quête d’un drogué qui chercherait sans cesse, non seulement plus de cames, mais également de la came différente à chaque fois. Les Narcisses ne sont pas la came ultime. Il n’y a pas de came ultime. Ils ne sont que quelques cristaux de poudre dans la narine du camé, et ils le revendiquent. « C’est toujours marrant de voir à la télé des gens très intelligents, sévères ou manipulateurs, perdrent tous leurs moyens parce qu’une caméra est braquée sur eux, alors que d’un autre côté des imbéciles complets arrivent à captiver l’écran sans rien faire. Ça veut dire une chose : pendant des siècles des ratés ont vécu des vies de ratés alors qu’une simple invention, à la portée de tous au 21°siècle, leur aurait apporté la gloire. J’aimerai que les Narcisses réconfortent juste quelques secondes les gens qui se croient seuls, abandonnés, et fous. Nous leurs disons : un millénaire plus tard ou plus tôt, tu pourrais être un génie. Nous les faisons rire de leur propre merde et nous rions de la notre».
 
Comments:
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