Manuel de Cristallographie
  Chapitre 4
[ Note de Serge Nollens : Ici, j’ai essayé de reproduire ce qu’était une soirée avec les Narcisses du point de vue de Louise Champagne. Je n’ai pas choisi cette soirée-là par hasard : c’est celle dont j’avais le plus d’informations, pour diverses raisons. Louise me semblait le personnage le plus approprié : avec le groupe depuis le début, elle est une spectatrice qui nourrit une passion pure, quoique perverse.]
4 heures du matin : je retire ma tête de sous l’eau chaude. Mes cheveux collent encore et recouvrent mes yeux en grosses mèches déformant ma vision de la salle de bain, le carrelage blanc couvert de saleté, le lavabo trempé, la baignoire presque emboîtée sous ce dernier, tous ces éléments familiers perturbés par les centaines de filaments sortant de mon crane et formant des rideaux. Je prends un peigne et commence à défaire les nœuds , à m’enlever les cheveux du visage, les rassemblant en arrière, et retrouve enfin une vue claire de la salle de bain tachetée ça et là de projections jaunes et gluantes. Je me demande si la texture de mes cheveux est normale et relis encore une fois le mode d’emploi. Après tout c’est trop tard maintenant. Je me sens fatiguée, ouvre le robinet d’eau froide, uniquement le robinet d’eau froide et plonge ma tête dessous. Je n’ai pas encore regardé le miroir. Je reste plusieurs minutes comme ça sans même me triturer le crane. Je me tiens les mains dans le dos et dandine en écoutant l’intermittence du disque d’Adam Green et de l’eau qui rentre dans mes oreilles. Dehors, à travers la petite lucarne ouverte, quelques notes doivent filtrer, accompagnées par l’écoulement de l’eau , et personne n’est là pour les entendre. Comme chaque jour, il n’y a personne d’autre que moi capable de comprendre la beauté du moment, mais après tout j’habite au dernier étage. Si le son pouvait se diffuser sous une autre forme, comme de l’air, à l’intérieur d’un ballon, comme des images plus légères que des nuages, j’enverrai des morceaux de mon quotidien dans le ciel, vers les avions qui passent toutes les cinq minutes, pour que les passagers sourient en les voyant passer par la fenêtre, qu’ils montent plus haut, croisent des oiseaux incrédules et explosent dans l’atmosphère. Mes cheveux semblent avoir retrouvés une texture plus normale, je coupe le robinet d’eau et enfin me croise dans le miroir. Des gouttes coulent sur mon visage et dans mon cou et je ne me reconnais pas. En fait, je ressemble beaucoup plus à la fille aux longs cheveux blonds platine sur l’emballage de la couleur qu’à moi-même. Je vais prendre quelques tartines de confiture de mures et un verre de rouge pour mon petit déjeuner. De retour dans la salle de bain, mes cheveux sont presque secs et ma bouche est écarlate. Je ferme les yeux sous le souffle du séchoir et poursuis les rêves interrompus par le réveil matin jusqu’à être capable d’en inventer de nouveaux sur les mêmes thèmes. Décidément, mon visage ne cadre plus avec l’environnement, je prends du noir, m’en badigeonne les yeux, et me pince la peau de l’avant-bras assez fort pour que des larmes perlent et que le rimmel commence à couler. Je dis au revoir à mon ours polaire et laisse la fraîcheur du matin sécher mes yeux. A pied le chemin jusqu’à mon boulot ne prend qu’une demi-heure. Je dois être au Bar le Kabiline à six heures pour y faire l’ouverture et les premiers petits déjeuners. Je peux prendre mon temps et comme tous les matins, sourire aux gens fatigués qui sortent des bureaux de tabacs, aux punks SDF qui se font réveiller par le soleil et aux prostitués qui raccompagnent leurs derniers clients sur le pas de la porte. La plupart de ces prostitués sont plus généralement des jeunes filles en pyjama qui souhaitent bonne journée à leurs petits amis, et c’est pour ça que je souris, en pensant aux clients matinaux, les travailleurs de nuits, qui font la tournée des entrées d’immeubles pour trouver leur bonheur, des billets en mains et le pantalon pressé et confondent ces jeunes filles transits avec l’objet de leur désir. Ce matin, personne ne remarque le changement chez moi. Je ne croise personne que je connais mais tout de même. Chaque matin je croise des inconnus, chaque matin je comptabilise le nombre de personnes qui répondent à mes sourires, et ce matin, les comptes restent dans la moyenne habituelle. Ils pourraient faire un effort (les sourires vicelards ou remplis de sous-entendu sont automatiquement exclus de la comptabilité). J’utilise la porte de l’immeuble attenant pour pénétrer dans le bar et ce matin, la concierge n’est pas encore debout, elle qui surveille toujours les heures d’arrivées des employés pour mieux faire un rapport au propriétaire du bar, elle n’est pas là alors que pour une fois, il y a quelque chose à commenter. J’allume la machine à café et décongèle quatre par quatre une vingtaine de croissants dans le micro-onde, mettant en place les chaises et les tables dans la salle, bercée par le ronronnement des ondes en action, abandonnant toutes tâches pour aller changer de fournée dès que la petite cloche retentit. Un des cadres accrochés au mur manque, celui de Miles Davis, et il reste quelques éclats de verre sous les tables. Hier soir, il y a encore du avoir des problèmes après le match de foot à la télé, et c’est dans ces moments-là que je ne regrette pas de travailler le matin. A six heures pile, je remonte le volet de la devanture et ouvre la porte. Ça ne change rien, personne n’attend devant, et personne n’attend jamais, mis à part quelque fois Raphaël qui sort de nuits passées à jouer, les cheveux en batailles et serrées dans ses mains, des fleurs arrachées dans un parc ou un jardin quelconque. Il n’est pas là ce matin et les premiers clients ne rentrent pas avant 6 heures et quart, ce qui me laisse le temps de passer le ballet et de laver superficiellement les cuisines. Le mélange habituel de poivrots et de travailleurs s’agglutine autour du comptoir et tous commandent la même déclinaison : un café, un croissant ;un déca, un croissant ;un café, deux croissants, etc. Les habitués ne me remarquent même pas. J’efface les chiffres du tableau et en faisant crisser ma craie, j’inscris les résultats du loto d’hier soir. Un poivrot devient blanc au fur et à mesure que je trace les courbes des chiffres. Il s’approche et se jette à mon cou en criant : « Je t’aime Je t’aime J’ai gagné ». Je lui demande : « Vraiment ? Combien de numéros ? ». Il a les 6 numéros, ce sont ses numéros fétiches. Je lui demande où il a mis le reçu et il répond : « J’ai pas joué, j’ai pas joué. Mais j’ai gagné, c’est mes numéros ». Raphaël arrive quelques heures plus tard, très calme et doux, comme endormi. Ça ne l’empêche pas de rire joyeusement quand il me voit, moi et ma nouvelle couleur de cheveux. Il m’embrasse derrière le comptoir et comme il n’y a personne dans le bar et que le patron n’est pas là, la matinée se transforme en un des nos courts de guitare, je sens que je progresse enfin, et il me dit que je joue certains passages mieux que lui. Moi aux moins, j’ai appris les accords de base par cœur. A midi, mon patron vient prendre la relève et se fend même de dire bonjour à Raphaël, apparemment le fait d’avoir coupé ses cheveux et sa barbe le rend au monde de la civilisation. Je me rappelle ces jours de pluie où il venait me chercher en veste de cuir, le visage noir, la couleur de ces poils de barbe ne différant en rien de celle de sa veste, il n’avait même pas le droit de rentrer dans le bar, quand bien même des types plus pouilleux que lui s’y trouvaient déjà. Mon patron est très protecteur, c’est comme un papa qui te donne de l’argent et te mets, 35 heures par semaine, au contact des pires déchets humains que la terre a pu porter. A cette époque, je sortais du bar avec un parapluie, car Raphaël n’en avait jamais, et nous marchions bras dessus bras dessous jusqu’à ce qu’on atteigne une sandwicherie bio dans laquelle nous mangions, silencieux, entassés sur des tabourets usés, au milieu de la queue des clients trempés. Maintenant, nous pouvons manger au comptoir du Kabiline, c’est presque moins bien, mais aujourd’hui de toute façon nous sommes pressés, après un rapide casse-croûte, pain, hamburger, vin rouge, nous nous précipitons dans les rues, au pas de course pour arriver à temps à notre rendez-vous. Cet après-midi, dans le studio le moins cher qui se trouvait dans l’annuaire, les Narcisses vont enregistrer leur premier single. Nous arrivons essoufflés devant un disquaire dans la vitrine duquel figure déjà une affiche pour les concerts des Narcisses dans les semaines à venir, au milieu de dizaines d’autres affichettes en papier pour des groupes débutants, elle détonne par son rouge, couleur de fond qui excite l’œil et reste imprégnée plusieurs secondes dans votre vision jusqu’à ce qu’elle disparaisse et laisse la place aux lettres noires indiquant les dates et les lieux, pattes de mouches, sang noir sur fond rouge, qui ne peuvent plus vous quitter, définitivement. Mis à part ça, il n’y a rien d’intéressant dans la vitrine de ce disquaire, ancien biker, qui nous accueille sans sourire. Des disques de house, des vinyles de house, et pas grand chose d’autres. La boutique nous paraîtrait même vide si nous n’étions pas rapidement introduit dans le studio qui occupe l’étage supérieur auquel on accède par un escalier en colimaçon pour atterrir directement sur la salle de mixage. Derrière la vitre, Tristan, Lina Bardi et Serge sont déjà entrain de mettre en place et d’accorder les instruments et quand ils me voient, ils ouvrent grands leurs yeux comme si, sachant bien que c’est moi, ils n’arrivaient tout de même pas à réaliser que je puisse être si belle, ou si moche, dépendant du point de vue. Moi, ce que je vois, c’est mon reflet translucide sur la vitre, ma longue jupe serrée noire, ma chemise blanche et ma veste en jean se mariant à merveille avec mes nouveaux cheveux blonds platine et mes yeux tristes, à des millénaires des leurs, joyeux et rigolards. Très rapidement, tous le monde se bouscule, un œil sur la montre qui ne décompte pas le temps, mais bel et bien l’argent économisé pendant des mois, pour lequel j’avais donné plus que ma part. Raphaël remplace Lina et Serge dans la salle d’enregistrement et, à mon grand soulagement, ce n’est pas le biker qui joue l’ingénieur du son, mais un autre type, à peine mieux, chauve et sale. Sans perdre de temps, ils commencent à jouer une première fois Rubbergun dans le vide, finissent de s’accorder en même temps puis, constatant qu’il manque quelque chose, ils la rejouent une deuxième fois, puis une troisième. Enfin, ils demandent au chauve de commencer à enregistrer. Tristan joue de sa batterie comme un musicien jazz qui ferait un solo de 2 minutes 30, frappant toutes les caisses, toutes les cymbales et assourdissant un coup sur trois. Là-dessus, Raphaël répète un riff simple, deux fois en bas, une fois en haut, variant à peine, qui donne un aspect blues à la chanson. Live, ils enregistrent la voix par-dessus, entraînante, excitée et détendue, elle donne envie de danser sur la chanson. La prise effectuée, les micros toujours ouverts, Raphaël pose sa guitare et attrape un tambourin pendant que Tristan quitte sa batterie pour une guitare acoustique. Accompagné du jeu beaucoup plus rythmé et puissant de Tristan, il chante quasiment de la même façon que sur la prise précédente tout en essayant de maintenir le rythme avec son tambourin qu’il évite d’approcher du micro. Derrière la vitre, Lina, Serge et moi regardons ça comme si c’était la première fois, comme s’ils ne l’avaient jamais jouée, alors que seuls quelques secondes de la chanson varient dans les paroles et la façon de jouer, ces mêmes instants qui n’étaient jamais les mêmes dans la chanson, comme les murs amovibles d’une église, un jeu de construction, ces poignées de secondes que le groupe changeait, intervertissait à chaque performance, qui donnaient corps à cette joie perpétuellement renouvelée. Je me demande ce que Serge fait là, lui qui n’y connaît rien en musique, alors que beaucoup de nos amis pourraient nous donner un coup de main pour monter les chansons et y apporter d’autres instruments. Avec l’aide du chauve, les Narcisses commencent le mixage des deux prises précédentes, immédiatement bonnes, et pour leur laisser de la place dans la cabine réduite, Lina et moi sortons. On ne s’attarde pas longtemps dans la boutique, préférant se diriger vers le McDonald à quelques immeubles de là. Nous allons devoir chanter sur un des morceaux à venir, et Lina, qui est une vraie chanteuse, nous emmènent manger des frites. D’après elle, « c’est un truc infaillible pour avoir la voix soyeuse et puissante sans avoir à s’époumoner ». Sur les quelques mètres qui nous sépare du McDo, elle s’allume un joint et assure en rigolant « ça aussi, ça marche ! », et je lui demande si je peux tirer, ce à quoi elle répond, « oui, tiens, et il faut que tu fumes et mange plus que moi, parce que ta voix est plus aiguë et moins entraînée que la mienne ». Au McDo, on se fout de la gueule des jeunes clients et des serveurs, prototypes bâclés d’une jeunesse immobile et battue d’avance, qui ont exactement les mêmes casquettes et les mêmes tronches boutonneuses, qu’ils travaillent dans le fast-food ou qu’ils viennent en acheter la nourriture. Mais un type d’une quarantaine d’années commence à parler à Lina sur le même thème que notre conversation moqueuse, ils rigolent ensemble de quelque chose que je ne comprends pas, et finalement Lina décline son invitation à manger avec lui, nous n’avons pas le temps, et je le trouve bien sûr de lui ce type qui nous invite, devrai-je dire l’invite puisqu’il s’adressait à Lina, après deux mots échangés, et ma surprise se mêle du dégoût quand elle lui donne son numéro de téléphone pour se faire pardonner de ne pouvoir rester. J’oublie tout, nous rions stupidement en mangeant nos frites dans la rue et, de retour au studio, tous le monde n’attend plus qu’elle, elle s’installe derrière son clavier en s’excusant, les yeux dans la brume et le sourire aux lèvres. Le prochain morceau s’appelle Into the Night, c’est une reprise de David Lynch, Angelo Badalamenti et Julee Cruise. Une petite suite d’accords au clavier est enveloppée par une mélopée dans une ambiance qui ressemble aux années 80 mais n’y appartient pas totalement. Tristan bat le rythme avec son poing cognant sur le bois d’une guitare acoustique. Raphaël fait vibrer sa guitare électrique, en fait sortir un petit ronronnement lancinant qui débouche parfois sur un accord bluesy. A un moment, le clavier et le rythme s’arrêtent et Raphaël, qui avait fait monter en puissance le ronronnement de sa guitare la martèle le temps de trois accords très rapides. Jouant debout, il en arrache sa bandoulière et manque de s’écrouler alors que Tristan et Lina reprennent comme au début, accompagnés des soubresauts de la guitare vibrante et saturée. Je sens Serge qui trépigne à mes côtés, je prends ça pour de l’inquiétude quand Raphaël s’écroule et pourtant il me semble bien voir un sourire sur son visage. Après il faut enregistrer la partie vocale durant laquelle Lina et moi sommes censées chanter ensemble et simultanément dans le même micro, l’une à gauche et l’autre à droite. Ils nous laissent nous entraîner pendant qu’ils commencent à mixer la partie instrumentale à laquelle ils rajoutent des sons que Serge a ramené sur son enregistreur et qu’il a apparemment enregistré en compagnie de Raphaël. Avec Lina, les premières tentatives sont désastreuses et Tristan vient nous aider à chanter sur le même rythme, il claque des doigts et nous apprend des trucs de respiration et de pause pour que nous nous arrêtions et repartons en même temps. A nouveau toutes seules pour s’entraîner, on repart dans des crises de rires intenses influencées par l’herbe et une fois arrivées tout au bout de notre délire, jusqu’au noir et au retour de la lumière, on retrouve assez de concentration pour recommencer à chanter, on se tient les mains pour battre la mesure ensemble et on se rapproche de plus en plus du micro, jusqu’à être joue contre joue. Finalement, l’ingénieur du son nous passe le morceau dans les oreilles et on effectue cinq prises d’affilé, toutes sans anicroches. Dès que nous avons fini, ils retournent au mixage derrière la vitre, plus d’une heure s’écoule pendant laquelle Lina me montre comment jouer du clavier et enfin une version finale est obtenue à partir de morceaux de chants de la prise 2 et de la prise 4. Il ne reste plus qu’une heure avant que l’avance donnée ne suffisent plus à assurer les frais du studio, alors sans tarder, le groupe se retrouve dans la salle d’enregistrement pour jouer une reprise de Suffragette City de David Bowie. Malheureusement, le clavier de Lina est subitement en panne : impossible d’en sortir aucun son, ni même de l’initialiser. Le groupe joue quand même le morceau pour une prise unique et pendant qu’il la joue, j’ai l’impression que leurs yeux à tous sont braqués sur moi, je me sens fautive, c’est Lina et moi qui avons bloqué le clavier et Lina venant de quitter le studio, furieuse, j’étais la dernière fautive, celle dont on se rappellerai. En buvant une bière, je frappe la mesure à même la cannette et le son métallique de mes bagues me donne une idée que je m’empresse de leur proposer une fois la prise achevée. Espérant me racheter, agissant comme une illuminée devant le micro le plus sensible du studio, sans rien leur expliquer, je frappe frénétiquement deux de mes bagues l’une contre l’autre aussi vite que possible pour reproduire la rythmique censée être obtenue avec le piano. A travers le haut-parleur, l’ingénieur du son me signifie qu’il a compris où je veux en venir mais qu’il n’est pas convaincu. Pourtant, le groupe parlemente, je n’entends pas ce qu’ils disent, et Serge, empruntant le micro de l’ingénieur du son, m’explique ma dernière chance : au même micro, je refrappe mes deux bagues, trois fois de suite, à intervalle régulier de deux secondes et à partir de cette prise, l’ingénieur va passer le rythme en boucle et l’accélérer jusqu’à l’adapter à la bande déjà enregistrée par Les Narcisses, ce qui, après mixage rapide par l’ingénieur du son pressé de rentrer chez lui, donne un effet formidable et infaillible.
A neuf heures du soir, nous sortons, épuisés, avec deux cd gravés dans les mains : l’un comprend la version finale de chacune des chansons et l’autre restitue l’intégralité des pistes ayant été enregistrées. Dans mon appartement, j’ai un ordinateur équipé d’un graveur et pendant l’heure que j’y passe en compagnie de Raphaël, nous faisons une dizaine de copies de la version finale du single, qui comprend dans l’ordre : Rubbergun (électrique), Rubbergun (acoustique), Into the night, Suffragette City soit l’intégralité des chansons enregistrées, dans l’ordre où elles l’ont été. Nous prenons une douche à tour de rôle, nous relayant à côté du PC, et Raphaël reste de longues minutes à contempler la barre d’avancement de la gravure, la petite flèche rouge avançant doucement en accumulant les pourcentages, il est immobile, la tête entre ses mains, comme s’il était entrain de se regarder lui-même jouant sa musique, montant sur scène, affrontant le succès et le public. A chaque disque atteignant les 100%, c’est une récapitulation des événements de sa vie, liée étroitement à celle du groupe, et en même temps un présage de l’avenir, le lecteur qui s’ouvre, le disque suivant qu’il y introduit, la barre qui recommence à zéro et même quand c’est moi qui m’en charge, il m’observe de loin, regarde mes faits et gestes, la façon tendre dont je m’occupe des disques et récapitule au marqueur leur contenu sur les pochettes. Entièrement nue, dégoulinante d’eau et de mousse, je calligraphie le nom des Narcisses sur la face avant des pochettes, arrondissant le début et la fin des lettres et une fois que j’ai fini, je vais m’habiller, ouvrant mon armoire et choisissant une des tenues vintage que j’ai reçu après avoir posée pour des catalogues de vêtements pour femmes agées. J’enfile un pantalon long, en toile brune, un pull tricoté dans un jaune délavé, un gilet avec des mailles larges, et un bonnet de laine, brun lui aussi, qui me descend sur les tempes, jusqu’aux oreilles, et j’ai l’air surréaliste. Je ne mets pas de sous-vêtements. Quand Raphaël sort de la douche, on s’embrasse et on se tripote, interrompus dans notre course inverse à l’habillage par la sonnerie de mon téléphone portable annonçant que nous sommes attendus. En bas de l’immeuble, Tristan joue le chauffeur avec sa moto et son side-car, sans casque, je monte dedans en pensant que mon bonnet fait illusion et Raphaël s’ajoute derrière Tristan, la veste bombée par les singles précédemment gravés. Ce soir c’est, déjà, la fête de lancement du single dans la villa d’un type que Raphaël côtoyait dans son lycée. En guise de lancement, le disque sera distribué à qui le réclame, les chansons seront mises en téléchargement gratuit sur internet et les derniers cds non distribués, s’il en reste, seront effectivement lancés, mais dans l’air, à l’instar de frisbees s’envolant vers l’inconnu. Ce n’est que la première étape d’une campagne de promotion, qui consiste en gros à vendre le single à la fin des concerts au prix du cd vierge, de les refourguer à tous les disquaires existants qui voudront bien les vendre sur leurs comptoirs, et de faire parler du site sur internet De cette manière, nous espérons totaliser 1000 écoutes, cds et internet mélangés, d’ici deux mois. L’ancien camarade de Raphaël vit dans un petit immeuble de trois étages nommé « Villa Bel Air » et quand on arrive devant l’entrée et que le bruit assourdissant de la moto s’arrête, de la techno se fait entendre des fenêtres allumées au premier étage. Je fusille Raphaël du regard pendant que nous sonnons à la porte et il finit par expliquer que le type n’est qu’une vague connaissance, qu’ils font ça chez lui uniquement parce qu’il est riche, qu’il s’ennuie et que de fait, il pourront faire pratiquement ce qu’ils veulent dans sa maison géante. Un gros blond ouvre la porte de bois qui grince et Raphaël lui saute dans les bras en riant nerveusement et en l’appelant « Patrick ». C’est donc lui. Il paraît qu’il avait beaucoup de succès avec les filles à l’époque, mais la situation a clairement l’air d’avoir changé aujourd’hui. Quand Raphaël se décolle de lui, on entend un bruit sourd qui ressemble à celui d’un scratch que l’on défait, et tous ses vêtements sont trempés de la sueur de Guérin. Nous entrons pour constater qu’il n’y a pratiquement personne que nous connaissons. Lina est déjà là, et je me demande pourquoi je ne suis pas surprise de la voir au bras du vieux du McDonald de cette après-midi. Tristan arrête la chaîne, des huées retentissent de la part des amis de Guérin, des espèces d’imbéciles bien coiffés et mal habillés qui déjà s’apprêtaient à danser en se tenant par les épaules et en levant leurs jambes l’une après l’autre. Tristan enclenche une des copies du single des Narcisses et Raphaël et moi nous isolons dans les toilettes. Les robinets y sont plaqués d’or et je m’appuie sur le lavabo quand il m’embrasse fougueusement, les mains sur mes cuisses. Il entrouvre son long manteau noir et dévoile une bouteille de vodka dépassant de sa poche intérieure, sur la doublure, je remarque la pochette de Turn !Turn !Turn ! des Byrds, toute bleue, accrochée avec des épingles à nourrices. Raphaël évite de me regarder sur les toilettes, nous discutons quelques instants de l’intérêt de la première partie de Chungking Express de Wong Kar Waï, il se regarde dans la glace, reste concentré de longs moments sur son visage, s’approche et s’écarte du verre au ralenti. Il déclare avec une voix d’outre-tombe, « j’ai les yeux qui se mettent à pleurer quand je regarde mon reflet. Qu’est-ce qui peut être plus effrayant ? » tout en se retournant pour constater que je n’ai pas fini et faire rapidement volte face, confus, plus du tout effrayant, presque pathétique. Nous avons déjà fini la bouteille de vodka quand nous sortons des toilettes main dans la main alors que le salon est plein à craquer de connaissances venues faire la fête avec nous. En voyant Raphaël, tous le monde réclame un discours sur fond du 5ème passage en boucle du single des Narcisses. Les mains s’entrechoquent les unes contre les autres et dans ma tête, je n’arrive pas à distinguer à qui elles appartiennent, j’ai l’impression que tous le monde frappe dans les mains de tous le monde, que la main gauche de Pierre Ubik vient résonner dans celle de Serge Nollens et je réalise que c’est peut-être vrai, mais pas forcément. Raphaël grimpe sur une table basse, sans aucune marque de respect, et je m’imagine le cœur du gros qui s’arrête de battre et de propulser du sang dans ses artères pleines de cholestérol. Raphaël parle.
« Voilà votre discours. Dans ma vie, il n’y a eu que deux types de groupes qui ont compté. Le reste, ce n’est même pas la peine d’en parler. Il y a ceux qui copient, qui suivent ou qui refont. Ceux-là appartiennent à des mouvements, ils font une musique similaire à celle des autres groupes de leurs mouvements, et parfois ils se contentent même de jouer exactement comme un autre groupe. Ceux-là, je ne me lasse pas de les écouter sans cesse, j’écoute le modèle, j’écoute le meilleur, et puis j’écoute les copieurs et je trouve ça génial, je peux les écouter en boucle, les mixer avec les originaux, je m’en fous. Ça c’est le premier type de groupes. Woody Allen a dit « Tant qu’à copier, autant copier les plus grands », et ce sont ces copieurs là que j’aime. Cela nous amène au deuxième type de groupe, c’est l’original, c’est la matière que tous le monde va copier, le leader qui va lancer le mouvement. Il y en a peu, mais il y en assez. En demander plus serait tuer leur beauté. Ce sont des groupes qui réalisent peu d’albums, qui vivent ce qu’ils chantent et chantent ce qu’ils vivent, et il se trouve que ça correspond à une part de l’auditeur, une part du quotidien ou une part plus noire. Ce sont des groupes qui nous font changer, de coupes de cheveux, de vêtements, de musiques, de mode de vie, tout ça pour avoir un futur à l’image du groupe. Ces groupes là on les écoute peu et c’est comme une asphyxie, ils sont dans nos poumons et dans notre sang. On finit la gueule ouverte, en complète overdose, tétanisé à l’idée d’y retoucher mais ressassant sans cesse ces vieilles histoires de l’époque où on vivait avec. Voilà. J’ignore quelle sorte de groupe sont Les Narcisses. Finir dans le premier tas m’iras amplement, croyez-moi. Ce que je peux dire, c’est quand je me regarde, je sais que je suis devenu l’idole rock’n’roll d’après laquelle j’aurai bouleversé ma vie. Mais ça ne concerne que moi. » La plupart des gens applaudissent et puis les richards que nous ne connaissons pas commencent à distribuer des exctasys aussi facilement que nous distribuons le single des Narcisses. Des étuis à guitare traverse le salon et les invités les suivent dans un escalier qui mène sur le toit de la villa. Là, les gens s’entassent et un groupe tournant constitué de Raphaël, Tristan, Pierre Ubik et Conroy Maddox s’échange les guitares sur le rebord du toit, jouant plusieurs morceaux que j’écoute sans entendre. Pas l’inverse. Je suis assise à leurs côtés, parfois je reprends les refrains sans même m’en rendre compte. Conroy fait tomber son médiator dans la rue. Nous le regardons tous les deux virevolter dans la rue, nous sommes seuls en cet instant, et j’ai l’impression que nous partageons un secret. Il me murmure, « souvent j’aurai envie de le rejoindre. Là, j’aurai envie de le rejoindre. Le suivre de la même façon, tourbillonner dans le vent, tout doucement, et puis m’écraser si fort que j’en mourrai ». Je lui réponds « Tu n’as même pas idée » et je disparais dans mes pensées. J’avais 6 ans quand je suis tombée de la fenêtre de ma chambre. C’est mon tout premier souvenir, le seul qui ait survécu aux années. Il n’y avait que deux étages, et c’était beaucoup pour une petite fille. Je m’étais mise debout sur une chaise contre la fenêtre et en me penchant trop, je suis tombée la tête la première. Ça a durée deux secondes, je me souviens de voir le sol s’approcher au ralenti, un peu sombre, un peu flou, et puis tout à coup, au moment de toucher terre, l’image s’est éclairci, j’ai tout vu, mon champ de vision était à 360°, j’ai vu la rue, les voitures, les passants qui me regardaient effrayés, ma mère qui passait la tête derrière moi à la fenêtre, le ciel bleu et parfait au-dessus d’elle, et le buisson qui allait amortir ma chute. Je m’en suis sorti avec quelques égratignures et des points de suture sur le front. Parfois, quand Raphaël touche la cicatrice, ça me donne un mal de crane d’enfer, j’ai l’impression qu’il se propage par mes os. Raphaël me prend la main et nous partons de la scène improvisée, nous rentrons dans la villa et nous trouvons à l’étage inférieur l’entrée d’une terrasse plus petite, plus discrète et vide. Au-dessus de nous, les invités, nos amis n’ont qu’à regarder en bas pour nous voir tous les deux entrain de nous déshabiller. Ignorant que nous sommes là, ils ne le font pas.
Je lui dis : « Je me sens mal ici, je suis pas à l’aise »
Il me répond, roulant ses yeux sur le côté, « Alors on y va » et ses phares-yeux s’allument, sa bouche m’aspire la langue. La fumée stagnante, les bruits des guitares et les voix se martelant doucement fondent l’un dans l’autre jusqu’à n’être plus qu’une matière molle malléable à merci par les glissements de nos mains, de nos peaux contre peaux, râpeuses comme une bulle de savon contre du papier à poncer. Encore, dans les moments calmes, ils sont tous là, Tristan, Pierre Ubik, Conroy Maddox, Serge Nollens et le gros Patrick. Ils se penchent vers nous comme ils l’avaient fait vers le buffet de l’apéro et alors je sens la perte de mes doigts, mes ongles poussant, entrant dans les os de Raphaël par son dos. Dès que s’active son réflexe musculaire, ils s’évanouissent avec la caravane du cirque et tout comme l’enfant Louise, je sais bien qu’ils reviendront l’année prochaine, au même endroit, pour recommencer à se maquiller et se déguiser. Des notes de piano commencent à circuler dans l’air et en fait, je peux presque les voir : je ne discerne pas la musique, non, ce sont les touches, pressées par magie, qui flottent et nous entourent dans un ballet énergique en noir et blanc, de plus en plus, s’amassant jusqu’à ce que je puisse sentir le froid des lumières contre ma peau, et les touches sont des milliers maintenant, actives sans être activées, la même mélodie se chevauchant, nous chevauchant, pénétrant nos corps, bombant nos artères, aussi vite et aussi fort que le cœur d’un coureur cycliste. Elles trouvent leurs voix et je les vois passer dans les yeux de Raphaël, avec la certitude qu’il peut lui aussi les voir dans mes yeux. C’est fini.
Peut-être que nous restons là des heures ou peut-être que nous remontons immédiatement. La soirée disparaît à vitesse grand V au fond de ma mémoire, si rapidement que je n’ai pas le temps de la vivre. Raphaël rejoue de la guitare et finit à moitié nu au milieu des invités, pointant le manche de sa guitare vers le sol, vers les filles qui lui plaisent, contre la tempe de tous les garçons qu’il voit. Pour une raison ou pour une autre je me mets à parler avec Serge. Il croit que je le drague, il se donne des airs désabusé et intelligent et je décide de le draguer pour de bon cette fois histoire de faire disparaître cette drôle d’expression qu’il a toujours, mélange d’ennui, de méchanceté et de timidité. Le jour commence à poindre et Raphaël veut aller manger avec des filles asiatiques qu’il a rencontré dans la soirée, elles jurent connaître un restaurant de yakitori ouvert dès 6 heures du matin. Il me demande de venir mais je ne préfère pas manger après ce genre de nuits. Je laisse Serge me raccompagner à pied jusque chez moi, il n’y a rien de tel qu’une petite heure de marche pour avoir de nouveau les pieds sur terre et être en pleine forme. Il ne fait que me parler du groupe, de Raphaël. Je le laisse monter chez moi pour se rafraîchir un peu et dans le minuscule ascenseur démodé, je l’embrasse bêtement, il s’éloigne de ma bouche immédiatement et y retourne après m’avoir regardé au fond des yeux. Nous regardons le dvd de Drugstore Cowboy, ensuite nous faisons l’amour sur les couvertures de mon lit, il ne sent pas la lessive comme les autres garçons, plutôt des effluves de peinture et de bois moisi, au moment de jouir, il me dit « Je t’aime, je t’aime ». A un moment, je me demande s’il connaît même mon nom. Et puis nous dormons, ou plutôt fermons les yeux une petite demi-heure, il se lève, se rhabille et ne trouve pas ses chaussures. Je lui dis d’emprunter celles de mon frère dans l’armoire, il me les rendra quand j’aurai retrouvé les siennes. Je n’ai pas de frère, et il m’embrasse sur les deux joues en partant sans dire un mot. Ce sont les chaussures de Raphaël.
 
Comments:
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Roman Rock ou l'histoire d'un groupe inconnu vu par les yeux d'un fou, inspiré par The Libertines, Pete Doherty, le jazz new orleans et tout un tas de trucs.



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