Manuel de Cristallographie
  Chapitre 2
Doucement devenir un fantôme n’est pas mourir. Par exemple, un jour j’ai arrêté de regarder les gens. Comme ça, simplement parce qu’ils avaient tous perdu les enveloppes illusoires dont je les habillais. J’ai vécu des jours sordides mais heureux, répétant en moi-même ce mantra que j’utilisais à l’adolescence : " Je ne peux avoir tort sur tous les points. Pas tous. C’est impossible ". Deux activités principales faisaient ma vie. En premier lieu, je restais dans ma chambre d’hôtel, le plus fréquemment en tailleur sur le lit parfaitement recouvert d’un drap bleu, virevoltant avec maladresse de l’écran de mon ordinateur portable aux pages de mon Moleskine alourdies par les collages successifs et multicolores. La deuxième, bien qu’agréable, était dictée par la ponctualité journalière du service de chambre. Expulsé dans les rues, j’enfonçais un cachet au fond de ma gorge et commençais toujours par monter et descendre les rues parallèles à la mienne, juste le temps nécessaire. Par la même, je testais ma santé ; s’il ne se passait rien dans les premières minutes, j’allais jusqu’à m’aventurer plus loin, vers les musées, les jardins et là où les immeubles s’emmêlent et où la nuit les lumières par les fenêtres sont les derniers signes de vie. Je m’arrêtais parfois pour reprendre mes moyens, essayait de négocier de la viande rouge dans tous ces restaurants asiatiques et finissait par manger un hamburger et une salade à la terrasse d’un bar, priant que cela me suffise. En réalité bien sûr, il y avait autre chose. Mon mode de vie n’était pas une finalité, il avait un autre but, bien plus important. Je ne regardais plus les gens afin qu’à leur tour ils ne me voient plus. Pour devenir un invisible au milieu des invisibles. Et petit à petit, ça a marché. Je n’ai pas adressé plus de trois mots à personne pendant au moins six mois. Avec le recul, je me rends même compte que j’avais toujours plus ou moins vécu ainsi : me lever, écouter les pas des voisins sur le plafond, écrire, et aller me coucher. Et tous mélanger dans mes rêves. Sauf que là, sans que j’en prenne la mesure, une part absolument non négligeable de l’équation venait d’être enlevé par ma propre décision. J’avais négligé la contemplation du monde. Je ne rêvais plus. A vrai dire, je ne dormais pas non plus. Je devenais de plus en plus faible. Alors que je voulais revenir au monde, je ne pouvais plus. J’étais coincé dans ma chambre, éveillé 24 heures sur 24, incapable de faire un pas. Jusqu’à ce que je rencontre Les Narcisses. Je m’étais fait apporter autant de nourriture et de vin qu’il était possible. Repu, j’étais sortis dans les rues. Ce soir-là, je pouvais incomber au vin ces vertiges qui me torturaient. Au bout d’une petite heure, je me renversais à la table d’un bistrot inconnu, dans un quartier inconnu. La tête à l’envers, je ne voyais rien autour de moi. J’entendais simplement cette musique qui montait, lentement, vers mes oreilles, le son augmentait. Ce que je croyais être un disque était en réalité un groupe. Mais j’ai tout oublié maintenant. J’étais trop saoul. Je me souviens juste d’avoir sorti mon Moleskine avec furie, demandé un stylo au serveur – une de mes premières phrases complètes depuis longtemps- et écrit sans cesse. Le lendemain, je me réveillais dans ma chambre, le stylo toujours en main, le Moleskine ouvert sur mes genoux. Je m’appelle Serge Nollens et il y a très longtemps je croyais être fou.
Imbibé des sueurs d’angoisses et d’alcool, j’avais trouvé mon lien avec le monde. New Order, Blonde Redhead, Electrelane, Jay Mascis, The Dears, The National. J’ai tout vu. Ainsi qu’un nombre incalculable de groupes locaux. Ils formaient tous le coton doux et résistant matière à mes rêves. Rapidement j’avais fréquenté toutes les salles de concerts. J’évitais celles qui étaient trop grandes, trop pleines : parc des expositions, palais des sports, ces endroits qui respiraient autre chose que mon but. La musique. Je n’ai jamais acheté de disques. A l’inverse j’ai dépensé une petite fortune pour un enregistreur portatif avec disque dur. Sombre, petit, il vibre contre ma poitrine quand je le sers dans la poche de ma veste, le micro électrisant mon bras jusqu’à sortir de la manche dans ma main. J’avais un vrai attirail de micros de rechange : gros, minuscules, intégrables, extérieurs. Je suppose qu’au fond, je pourrai sortir ma machine aux yeux de tous le monde, personne ne m’empêcherait d’enregistrer. Mais j’aime cette clandestinité, le son étouffée qu’elle produit et l’impression qu’en réalité, il n’y a pas de machines, que le micro n’est branché qu’à moi.
Il me fallut plusieurs mois pour rencontrer à nouveau ce groupe. J’avais déjà écrit de nombreuses choses inspirées par eux, dont la plupart des idées seront reprises dans les chapitres suivants de ce livre. Chaque concert oublié, dissipé par l’alcool, je réécoutais les bandes avec l’impression que tout n’était le fruit que d’un seul concert, de ce groupe que j’avais vu ce soir magique. Des centaines d’heures de musiques soufflées par la même faille, au même endroit. Tout provenait de ce soir-là.
Titubant le long des avenues éclairées, je mâchais un cure dent oubliant de regarder les décors, ne remarquant pas les peep-shows, les magasins que peut-être un jour je découvrirai. Être un invisible, si c’est un choix, reste avant tout une vue de l’esprit. C’est couvrir d’une brume anglaise les restes de ce que l’on a connu. Je pouvais tout voir, je choisissais simplement de l’ignorer. Mais en rentrant dans l’Electric Palace, vous ne pouviez pas manquer cet instant de peur durant lequel le doute berce votre esprit. Même l’alcool n’y faisait rien, même mon esprit déterminé ne pouvait effacer ce bâtiment immense et gris, couvert de fenêtres qui semblent donner sur un abyme, illuminé par un néon rouge aux lettres immenses qui tranchent avec la sobriété de la bâtisse, dont les dizaines d’inscriptions et de dates gravées dans la pierre de la façade donnent la légère impression de la voir tanguer selon l’endroit d’où on la regarde. Je frôlais des jeunes gens aux looks étudiés et leurs visages s’effacèrent immédiatement de ma mémoire. J’ignorais tout des Narcisses que j’allais voir ce soir particulier. Les habituelles jeunes filles s’accrochaient déjà aux premiers rangs tandis que je m’interrogeais sur la place la plus appropriée. Si je voulais qu’un son d’ensemble s’imprime sur mon enregistreur, le haut de la salle était tout indiqué, alors qu’en restant debout en bas j’aurai au premier plan les voix des spectateurs et ensuite seulement la musique. Je choisissais le haut et me glissais au fond d’un siège. La première partie désistée, les Narcisses (j’ignorais alors qui ils étaient) commencèrent en avance d’une heure. La nuit sera courte, je me souviens d’y avoir pensé avant d’être emporté vers le passé.
Les Narcisses n’étaient que deux musiciens: sur le devant de la scène, à la guitare, une ombre vivante avec de longs cheveux enlacés, noirs et épais, tremblants, tressautait aux rythmes imparfaits de ses bras mouvant par une force presque mystique des vagues de musiques aux tons enjoués qui virevoltaient jusqu’aux limites du spleen à chaque instant. C’était une fille. Ou alors c’est ce que je crus, absorbé par les sons et les émotions que provoquaient ces silhouettes sombres et fraîches, garçonnes instruites de magies défilant pleines d’un entrain excité. Mensonge il est vrai peu après détruit quand il releva ses cheveux hors de son visage et ôta sa chemise, faisant apparaître joues et torse finement velus. Derrière, le batteur jouait, sautait de sa caisse pour attraper un tambourin, se levait, dansait, distribuait des boissons au public.
J’étais coincé entre deux portes, dans un hall noir, illuminé par ma propre peau et celle des musiciens. J’ai compris que le concert était fini quand je n’ai plus vu les instruments et que les deux musiciens étaient assis sur le bord de la scène, à discuter avec le public. La musique ne s’était pas arrêtée, pas pour moi. M’extirpant du fauteuil rouge dans lequel je commençais à m’évanouir, je fus pressé de sortir par un de ces vigiles au regard noir d’incompréhension qui travaille à l’Electric Palace et, trébuchant à moitié dans les escaliers, déjà rattrapé par mon propre sommeil, j’atterrissais au rez de chaussé, propulsé contre le bar, n’ayant plus d’autre choix que de me retenir au comptoir avec mes deux mains. Pour la première fois, le but était atteint : je ne ressentais plus rien. Les symptômes étaient bel et bien là, j’avais beau être saoul et fatigué, tout était devenu simple. En relevant la tête d’entre mes épaules, je commençais à discerner une créature devant moi, aux longs cheveux auburn, des yeux verts, un corps morcelé par différentes couches de vêtements, un t-shirt, une chemise d’homme, une veste en cuir, une jupe, un paréo, des collants, et sur ses longues jambes splendides, de légères cicatrices frémissant en écho avec la façade de l’Electric Palace. J’ignorais même connaître autant de nom de vêtements pour femme. La première chose qui me venait à l’esprit fut : " Comment fait-elle pour ne pas étouffer dans cette fournaise ? ". Après seulement débuta le prise de conscience de ses sourcils presque effacés, ses yeux mi-clos, le gauche en retrait, un nez droit qui ne pique que vers le bas, cette bouche stoïque semblable à celle des femmes sur les vieilles photographies en noir et blanc, défigurée de chaque côté par les prémisses d’un sourire sardonique. En fait elle était parfaite, splendide, sa peau bronzée et la forme absolument symétrique de son visage la rendait irrésistible, alors que je la regardais et la sentais frissonner de tous ses nerfs pendant que son visage restait impassible et, plongeant trop loin trop vite dans ses yeux verts, l’intégralité de ma mémoire me revint. Tous ces détails que j’avais considérés comme saugrenus, les visages des passants, leurs voix, le son des voitures, souvent le nom des groupes que j’allais voir, les nouvelles dans les journaux, la couleur des chaussures qui me marchaient sur les pieds, tous me revinrent et une crise démarra en moi, mes maux bienfaiteurs se libéraient et relâchaient tous ces mots que je savais ne pouvoir maîtriser. Très vite, ces énergies se touchèrent et ma bouche s’activa d’elle-même, d’abord dans un sourire, ensuite par une phrase : " Salut. Tu t’appelles comment ? ". La jeune fille me prêta peu d’attention mais s’enquit de bonne grâce à répondre à ma question " Louise Champagne ". Louise Champagne. Je commençais à me rappeler la première fois où j’avais vu Les Narcisses, les gestes lents du barman, la dispute du couple assis derrière moi. C’était ce même groupe.
Etait-ce vraiment son nom de famille, ai-je d’abord pu penser, et je n’ai pas eu le temps de noter si le barman était une femme. Le t-shirt figé sur une de ses milliers de peaux portait une inscription. Une adresse internet : www.lesnarcisses.fr.st. Sans même dire un mot, je lisais l’adresse, essayant de la retenir en d’interminables allers-retours entre son visage à la peau jaunie et ses seins, ce qu’elle ne prit pas vraiment mal. C’était le début de l’aventure. Après cela je partis très vite, la tête trop bien gorgée de la vie des autres.
En me retournant dans l’avenue je pouvais voir les néons rouges de l’Electric Palace devenir de plus en plus illisibles, je manquais de foncer dans un homme qui venait dans le sens inverse, il râlait, l’Electric Palace n’était plus qu’un cœur rouge qui se détachait du ciel, l’homme continuait encore et encore de s’adresser à moi, il faisait noir, je ne pouvais pas voir son visage, il se rapprocha, très près, alors que j’essayais de m’éloigner, il me prit par le col et me souleva à quelques millimètres du sol. L’espace entre nos deux visages était exactement situé dans l’axe de l’avenue, nous étions éclairés par les restes en flammes de l’Electric Palace, je sentis l’haleine chaude de l’homme qui sortait de sa bouche sévère et de son nez énorme. Un buffle, avec des yeux très ronds. En l’air, je le frappais avant qu’il ne le fasse. A terre, il s’écroula et j’entendis un autre bruit que celui de son corps, un bruit métallique lourd, déjà il commençait à se relever, je me penchais pour attraper son cou, je l’enserrais et avec mon genou je lui coupais le souffle. Il me restait à donner des coups de pieds avant que je réalise que ma veste était trop légère, je le lâchais, me retournais, et trouvais mon enregistreur par terre. Je le ramassais et m’enfuis.
Toujours à pied, trop tard pour le métro, j’essayais d’allumer l’enregistreur et n’obtins aucune réponse. Le témoin lumineux ne s’activa pas, je ne sentis pas son mécanisme bouger. Le microphone que j’avais installé, assez volumineux et rond, qui permettait de préserver l’espace du son, s’était brisé dans la chute. J’atteignis mon hôtel en larmes. En voyant le réceptionniste je me contenais et pour une raison inconnue, je pensais à Louise Champagne. Dans ma chambre, je branchais l’enregistreur sur le secteur et pris une douche. J’ouvrais grand la bouche sous le jet et inspirais avec mes narines, jusqu’à être au bord de la noyade, suffoqué, je recrachais des gerbes d’eau, m’effondrais sur le carrelage. En robe de chambre sur mon lit, l’enregistreur s’alluma dans mes mains, témoin rouge ok. Branché à mon ordinateur, il ne restait plus rien sur le disque dur. Plus aucune trace de ses derniers mois. Si ce n’est une chanson du soir même. Un minuscule morceau de concert à la guitare acoustique que le chanteur introduisit comme étant " I wanna be your dog ", ou quelque chose comme ça. J’écrivis encore des bribes d’histoire sur ce que je vivais et pourrait vivre avec les Narcisses, allait sur leur site internet, vide mis à part une adresse e-mail, " raphael_narcisse@hotmail.fr " en lettres vertes en plein milieu de l’écran. J’y envoyais certaines petites histoires et m’endormis la peau contre la chaleur du témoin rouge de l’enregistreur.
Le lendemain matin je n’avais rien oublié. La réponse à mon e-mail ne tarda pas :
" Merci pour cette jolie petite histoire,
deux questions me taraudent cependant : quel âge as-tu pour avoir écrit de telles histoires ? Et aussi, es-tu une fille ?
Quelles que soient les réponses à ces questions, tu mérites de venir gratuitement nous voir jouer au Club 391 demain soir, envoi-nous ton nom et tu seras sur la liste des invités.
Raphaël Narcisse "
D’après moi, il m’avait pris pour une espèce de fanatique âgée de 15, 16 ans qui avait trop de temps à perdre. Je lui envoyais mon nom, mon âge, et ce qui me restait de l’enregistrement de leur dernier concert. Ce que je faisais étais sérieux, j’avais toujours été sérieux. Sur mon ordinateur je pouvais compter par vingtaines les débuts de livres avortés, les nouvelles trop longues pour en être, trop courtes pour des romans, les copies de ma correspondance, une autre correspondance, totalement imaginaire et bien plus passionnante, des extraits de dialogues, des idées de pièces de théâtre. Jamais je n’avais eu le temps ni le courage d’essayer de compléter une œuvre, de la commencer et de la finir. Je n’avais que des débuts, que des fins, aucun corps, rien qui ne puisse passer dans le coffre de l’éternité. Enfin, j’avais trouvé un sujet. Je précisais dans mon mail " C’est sérieux. Il faut qu’on se parle. ", puis j’hésitais et finissais par rajouter " Je veux écrire votre autobiographie ".
En relisant mes notes, je me demandais encore si je ne devais pas tout modifier et tout conjuguer à la première personne, comme si c’était ce Raphaël Narcisse qui écrivait. Il ne répondait pas à mon e-mail et nous étions à moins de deux heures de concert. Je repérais le club 391 sur mon plan de la ville, j’emportais mon enregistreur en espérant qu’il tienne à nouveau la route et décidais de m’imposer à ce concert, quitte à essayer de trouver Les Narcisses avant qu’ils ne montent sur scène. Le Club 391 se situait dans un des coins les plus paumés qu’il m’avait été donné de visiter. A côté de cela, l’agressivité de l’Electric Palace me semblait réconfortante. L’entrée se situait dans une petite rue perpendiculaire à une autre encore plus petite. La nuit dans ces quartiers était déjà tombée et la file d’attente pour entrer dans le Club 391 s’étalait sur 5 mètres de trottoir. Comme par habitude j’avais bu avant de sortir, je remontais la file en fusillant un par un du regard la totalité des jeunes gens qui tournaient les yeux vers moi. Je remontais debout sur un fil, les jambes croisées et décroisées, je ne pouvais pas faire un pas de trop à gauche, un pas de trop à droite. Des motos s’amusaient à former des cercles microscopiques dans la rue pour emprisonner des jeunes filles hilares dans des cages de fumées. Elles étaient toutes habillées de vêtements déchirés aux couleurs noires et pastels, on aurait dit des êtres de cire qui se seraient animés et dépêchés de dépecer leurs semblables pour se vêtir. A l’entrée, je dis à un grand noir baraqué : " je suis sur la liste ", ne sachant pas moi-même si cette liste existait. Il se retourna, chercha du regard derrière lui et finit par acquiescer. Je réalisa qu’à côté de moi se tenait Louise Champagne entrain d’encaisser l’argent des spectateurs. Elle ne me remarquait pas et plaisantait avec quelques personnes. Je demandais au videur où étaient les Narcisses. Il me répondit " sur scène ! ", et à cet exact moment retentit un bruit tonitruant qui me fit oublier Louise, je vis juste en face de moi une marée humaine qui sauta comme un seul homme avec milles bras en l’air. ça me prit au moins 10 secondes avant d’entendre de la musique se détacher sous le bruit des bottes qui s’écrasaient contre le sol de béton. Alors c’était ça… Ils étaient trois sur scène, le chanteur avait coupé ses cheveux longs et sa barbe, le batteur cognait comme un fou sur sa batterie et un oriental jouait lui aussi de la guitare. Je n’ai jamais pensé m’être trompé de concert, je les reconnaissais, et je reconnaissais cette musique. Poussé par les derniers arrivants, j’étais propulsé au milieu de la vague humaine. Je me faisais pousser et écraser de tout côté. Je n’allumais pas mon enregistreur. Bien vite, l’étude de la situation me fit comprendre que le seul moyen de ne pas mourir étouffé était de suivre très exactement le mouvement. Je me mis à compter les secondes entre les sauts, à étudier les différents clans qui ne sautaient ni de la même façon, ni en même temps, et finit par copier mon voisin de devant, quitte à souvent le percuter, toujours la main sur mon cœur, dans la veste, posée sur l’enregistreur, éteint et immobile, dans l’espoir qu’il puisse survivre à ça.
En chavirant à la fréquence sans subtilité des amplis, je sentais le brouillard prendre le dessus sur nos sens à tous, nos muscles s’enflammant, nos volontés se pliants, nos désirs disparaissants sous les coups de butoir des briquets, les aspirations répétées sur des cigarettes manufacturées et artisanales, et le lent relâchement des volutes de fumées accrochées au vide. Je sentis ma main se faire brûler par celle, allumée, de mon voisin, je vis des chevelures disparaître au sol, j’essayais tant bien que mal de contenir mes organes vitaux à l’intérieur de moi et du sang s’envola dont ne sait où en une gerbe qui, à elle seule, colora la totalité de la salle, de la scène jusqu’à mes propres vêtements, couverts d’un dégradé gluant, collant, puis sec. Se détachant de la profusion de rouge, de noir, de brun qui commençait à s’évaporer dans l’air et à transformer les lieux, le visage du chanteur articulait des mots inaudibles tandis que la cadence compulsive de ses mains réinventait la grammaire d’un langage qui m’était inconnu et que pourtant je comprenais. Une main invisible, tirant par ses cheveux courts sa tête en l’air, lui donnait l’air fier quand il attaquait ses chants et lui maintenait la bouche ouverte le reste du temps. Le guitariste oriental faisait des allers-retours entre la scène et la coulisse, ne jouant que sur certaines chansons. Les chansons justement, je n’arrivais à en reconnaître aucune en particulier, elles avaient toutes des points communs et des divergences avec mes deux précédentes expériences des Narcisses. L’électricité insufflait une manière de dégoût à leur musique que je ne pouvais pas m’empêcher d’apprécier. Parfois, je me sentais faiblir, abandonné de tous mouvements et à chaque fois, je me laissais porter par le corps des autres, j’étais soulevé puis ranimé par d’étranges collisions toujours inédites. Retenu par le câble de sa guitare, le chanteur plongea en nous, embrassa la foule, donna et reçu des coups, avant de se laisser remonter progressivement sur scène, comme dans une vidéo passée à l’envers, tiré par le câble de plus en plus esquinté qui semblait directement branché en lui. Le groupe disparut. Nous n’étions après tout qu’une mer dont les Narcisses aimaient goûter l’eau salée.
L’immobilité retrouvée, j’étais heureux, aussi comblé qu’on peut l’être une fois qu’on a tout perdu et qu’il ne reste plus qu’à recommencer. Je cherchais la porte de sortie, quelque part dans cette simple pièce rouillée, en même temps que les regards des spectateurs se croisaient pour la première fois. Aucun moyen de rejoindre les groupes, sinon de passer par la scène en plein mouvement silencieux, un clavier apporté, des draps accrochés. Je tentais de m’en rapprocher mais très vite je me retrouvais au point départ, rejeté en arrière par les afflux et les reflux en direction des toilettes, de la rue et du bar improvisé au-dessus d’une glacière. Au bout de cinq minutes à peine, un nouveau groupe apparu sur scène. Ils étaient cinq et tous étaient habillés de la même façon, pantalon noir façon cuir, grosses lunettes de soleil et t-shirt noir sur lesquels étaient imprimés en blanc leurs noms respectifs. A la batterie il y avait Léo Engel, derrière le clavier Paul Nourry, aux guitares Conroy Maddox, l’oriental qui jouait avec les Narcisses et une fille aux cheveux bruns et à la peau de porcelaine, Lina Bardi jouait du clavier. Enfin, un petit blond répondant au nom de Simon Kick, une basse entre les mains, annonça : " Nous sommes les Kicks ! " et l’attraction répéta son inversion. Il y avait un bric à broc en fond de scène, des drapeaux, des photos, des fleurs, même des vêtements, vestes en cuir, chemises et bottes. Une fois la brume dissipée et le concert terminé, il ne restait plus rien, toutes ces choses avaient été détruites ou jetées à la foule. La musique des Kicks était semblable à celle des Narcisses, sans ce supplément d’âme mais avec plus de diversités de sons. Immédiatement après, Pierre Ubik, un artiste seul, monta sur scène et sans brancher sa guitare folk, raconta ses chansons au milieu des débris de pétales de fleurs et d’alcools. Il chanta quatre chansons de fin du monde avec une voix rauque et hors du tempo. C’est durant ce dernier concert que je vis Louise Champagne entrain de danser au milieu de la vingtaine de personnes qui étaient restés jusqu’à la fin. Sous sa jupe, je remarquais que ses bas étaient reprisés au fil noir, ce qui donnait l’impression de cicatrices glissant le long de ses jambes. Cette fois je pouvais me rapprocher d’elle doucement, et, en retrait vers l’arrière, j’observais la trajectoire sans contrôle de ses lents mouvements de rein, propageant les spasmes dans tout son corps ; agitée frénétiquement par une berceuse, comme un bébé qui ne veut pas s’endormir, Louise luttait de toutes ses forces contre le rythme et contre les autres, elle transpirait et ses cheveux se mettaient à recouvrir son visage jusqu’à ce qu’elle succombe et que tous le monde s’aperçoive que cette danse avait toujours été menée à l’intérieur d’elle-même et non pas au dehors, même dans ces agitations les plus fortes, celles qui lui faisaient perdre l’équilibre progressivement, jusqu’à ce qu’elle tombe en arrière, dans mes bras, somnolant les yeux ouverts, ne me remarquant même pas. Le dernier accord retentit, elle resta debout, le visage vers la scène, et ses esprits retrouvés, elle se tourna vers moi et pour se faire pardonner de m’avoir ignoré, me dit : " Merci pour le coup de main " et voulut partir. Je la rattrapais et me présentais. Son visage s’illumina et d’une seconde à l’autre, elle se trouvait de nouveau sur terre, me faisait la bise sur les joues, prenait ma main dans la sienne pour que je la suive sur la scène, me tenant le rideau qui nous séparait de la coulisse. Comme la salle était maintenant vide et silencieuse, la coulisse telle un miroir trop lent était animé par des dizaines de jeunes gens saouls et beaux. En fait, la coulisse était équivalente, si ce n’est plus grande, à la salle de concert en elle-même. Le Club 391 n’était pas une vraie salle, c’était plutôt un squat, probablement un ancien magasin dans lequel on cachait le coin des murs tachés de pisse et piratait l’électricité d’un voisin. Le matériel de musique avait déjà été emballé dans des housses noires et mitées, le tout servant désormais de fauteuils et de canapés à l’équipe fatiguée du Club 391. Même dans le bordel ambiant régnait une atmosphère de ballet, les voix montaient en chants, les bras se croisaient, les baisers s’échangeaient, les canettes vides de bières en roulant par terre créaient des parties effrénées de football. J’étais surpris par la jeunesse de la plupart des personnes présentes, garçons aux mains effilées, filles rondelettes, ils partageaient la même couleur de peau rougeâtre qui cachait mal la chaleur de l’adolescence. Là, au milieu des vingt mètres carrés compartimentés par les amas d’instruments, il jouait au football une cigarette à la bouche, captant la canette, s’élançant tout en hauteur. Le chanteur des Narcisses. Il se faisait dribbler par Simon Kick au moment où Louise cria son prénom : " Raphaël ! ". Il portait au-dessus d’un jean couleur bleu nuit le t-shirt noir sur lequel était inscrit le nom de Lina Bardi des Kicks et me regardait pendant que Louise lui murmurait à l’oreille. Le conciliabule dura longtemps, plusieurs minutes où sur la pointe des pieds elle s’accrochait à son cou et parlait sans s’arrêter, tant que je me demandais si les mouvements de sa mâchoire n’étaient pas plutôt ceux d’un baiser. Enfin elle s’arrêta, il lui tapa dans la paume de la main et elle prit sa position dans le match de football. Il venait vers moi et je ne savais que faire, sa démarche et sa coupe de cheveux étudiée m’intimidaient et je finis par tendre ma main, imbécile, " - Je suis Serge Nollens – Je suis Raphaël ", immédiatement, je n’avais plus rien à dire, la bouche sèche et vide, le cerveau noir, je me demandais bien pour quelle raison j’avais tenu à le voir –à moins qu’il n’y ait pas d’autre raison que celle-ci. Il portait éteinte sa cigarette au bout de ses lèvres, me fixant d’un regard impassible et aussi muet que sa bouche. Je ne pouvais m’empêcher de laisser s’écarter mes yeux vers Louise, ses mollets découverts par sa mini jupe, courant après une cannette de bière, ses cheveux se glissant dans le décolleté de la dernière couche de vêtements qui restait sur sa peau. Je crus que Raphaël s’était endormi les yeux ouverts, et rassuré par son immobilité totale, je dis, sans véritablement m’adresser à lui, aussi captivé que je l’étais par Louise : " Je veux écrire ton autobiographie
-Habituellement, on me félicite pour le concert, il arrive qu’on me remercie, on me demande un autographe, on me propose du sexe, déclama-t-il d’une voix automatique
-Moi je veux écrire ton autobiographie
-Il se peut quand même qu’on continue de se présenter, qu’on aille plus loin que le simple prénom, histoire de créer un contact tu vois
-Ce n’est pas un contact là, disais-je en souriant, sans réaction de sa part ?
-Qui te dis que je ne l’ai pas déjà écrite mon autobiographie ?
-Tu l’as peut-être écrite c’est vrai. Mais ce que je te propose, c’est que moi j’écrive ton autobiographie, tu peux comprendre ?
-Tu es sûr que tu ne préfère pas un autographe ?
-Non. Dis-moi : qu’est-ce qui se passe pour que tu ais ce regard vide ? Qu’est-ce que tu fais ?
-La même chose que toi. Je la regarde. "
Il lui tournait pourtant le dos, mais je me retourna et juste derrière moi se trouvait un miroir dans lequel Louise Champagne courait en sens inverse. Enfin, Raphaël sourit, me tapa dans le dos et m’offrit une bière. J’acceptais à contrecœur en espérant que cela nous permettrait de continuer la discussion.
" -Je me rappelle ton mail maintenant. J’ai bien aimé tout ce que tout as écrit sur nous. Presque la moitié des choses que tu as inventés nous est vraiment arrivé, en fait.
-C’est pour ça que je voudrai écrire ton autobiographie
-Je ne sais pas. Comment as-tu trouvé le concert de ce soir ?
-Formidable. Mais tellement différent par rapport aux autres fois. En quelques jours, vous avez plus changé qu’en plusieurs mois
-En fait ce n’est pas vraiment exact. Nous jouons beaucoup de concerts. Presque chaque soir, partout. Nous essayons de varier notre style selon les humeurs et les endroits.
-En vous voyant en acoustique, je n’aurai jamais cru que vous pourriez déchaîner autant les foules. Et je n’aurai jamais cru que je pourrai y prendre plaisir. C’est comme le jour et la nuit, les deux versions du groupe. Et ton changement de look.
-Oui, mes cheveux. Je ne les avais plus coupés depuis notre premier concert.
-Qu’est-ce que tu préfère : les concerts électriques ou acoustiques ?
-J’en sais rien. Tu l’as dit toi-même, c’est le jour et la nuit. Ça veut dire qu’il y a un tas de points communs, c’est vivre et respirer de la même façon, mais l’acoustique est si facile, comme un rêve, c’est beau et magique, alors que l’électricité c’est se battre pour vivre, la sueur, la rapidité, le public qui est face à toi, contre toi. Et les concerts comme celui-ci, c’est ce qui rapporte le plus, surtout hors des salles habituelles. Tout l’argent du ticket d’entrée se partage entre les groupes. "
La balle en forme de canette de bière tomba entre nous deux et de faits en faits, il oublia ma présence, ou plutôt il ignora son côté incongru, me considérant comme un des leurs, et préféra effectivement oublier la raison de ma présence. Apparemment, la nuit était loin d’être terminée et nous tous, terrés au fond d’un bâtiment nu, nous ignorions le moment où elle prendrait fin, la laissant continuer pour une éternité balisée uniquement par les besoins primaires qui étaient les nôtres, la faim et la soif. Encore que de ce côté, les stocks paraissaient inépuisables, l’alcool et la nourriture sortant à volonté des sacs et des glacières, et je me laissais aller à toutes ces mains tendues, me rendant compte qu’il y avait toujours eu en moi quelqu’un comme ça, de vorace, qui ne comprenait pas les notions de peur, d’heures, et d’ordres. C’était mon anti-thèse. Et puis au fur et à mesure que j’avançais dans ma connaissance des jeunes gens présents, j’en venais à me demander lequel était l’anti-thèse. Si nous étions, et si j’étais, une pièce à deux faces, il est certain que les deux faces ont des chances égales d’apparaître quand on lance la pièce en l’air, et que, si une des faces apparaît plusieurs fois de suite, même si cela dure, disons, un milliard de fois, il y aura toujours la fois suivante, celle où l’autre face apparaît. Ce n’était qu’une théorie, parce que nous ne sommes pas deux faces, nous en sommes un nombre infini. Lina Bardi apparut et s’installa à un piano, assise à la cow-boy sur un fut, en soutien gorge, sa colonne vertébrale dansait à l’intérieur de sa peau, si visible et bombée qu’on eut cru qu’elle allait s’échapper d’elle, et emportant les côtes avec, s’enfuir en frétillant tel un centipède d’os effrayé par une créature si laide à ses yeux, la créature humaine, cette même créature qui me semblait sublime et commençait à éveiller mes sens. Elle joua du bout des doigts " Imagine " de John Lennon et les jeunes gens éparses commencèrent à approcher jusqu’à former une assemblée qui entonna les paroles dans un désordre collectif organisé par Raphaël. Ça n’était pas du tout la chanson que j’avais pu voir dans les publicités et les programmes de la télévision du temps où j’en avais encore une. Ça n’y ressemblait pas simplement parce que ce n’était pas fait de la même façon, que l’assemblé ici n’avait aucun but autre que celui de s’amuser, d’être bruyamment bête, bruyamment jolie, comme au tout premier jour, quand des doigts lents découvraient une suite de sonorités fortuites sur un clavier blanc et noir. Au fond de moi débuta la torture. Pour la première fois je fis ce que je fais toujours aujourd’hui et je me mis à jouer aux cartes avec moi-même. Depuis le début, je les comptais. Combien de temps avant que le fou ne sorte ? Combien de temps avant que la pièce ne tombe de l’autre côté ? Combien de temps avant que je ne connaisse les paroles de la chanson ? Une chance pour moi, ce que je croyais être la chance du débutant, le fou sortit du premier coup et, suivant de loin les lèvres de Raphaël, les paroles me vinrent d’elles-mêmes, je pus entonner " Imagine " au même titre que n’importe qui d’autres dans la salle délabrée, usant de ma voix ridicule, aussi ridicule que celles des autres et la chorale des ridicules finissaient par ne plus en être une et c’est uniquement pour cela que nous pouvions toucher la beauté du moment.
Après cela, l’intérêt de Raphaël se reporta à nouveau sur moi, comme s’il avait eu une idée. Il vint vers moi et, me tapant sur le dos, nous avons rit comme le font les pochetrons, pour beaucoup et peu de choses. Il se décida
" Tu as enregistré le concert de ce soir ?
-Non. Il y avait trop de mouvements.
-Tu enregistre avec quoi d’habitude ?
-Avec ça "
Et je lui montrais mon enregistreur qui presque immédiatement fit s’illuminer ses yeux. Je le laissais le prendre dans ses mains et à travers son maniement précieux, qui ne consistait pas à l’aborder comme un outil avec des touches et des fonctionnalités, mais comme un tout, une mémoire complète dont le vrai fonctionnement restait inconnu, je pus constater que la machine lui faisait le même effet qu’à moi. C’était un ajout à soi-même, une extension pas forcément adéquate, qui permettait de se créer, de se recréer et d’évoluer comme j’avais pu le faire. Sauf que, si pour moi la machine avait été un moyen d’assimiler l’extérieur pour me développer, elle allait lui servir à pénétrer l’extérieur, à le déchirer et en naviguant à travers lui, s’incorporer, de grès ou de force, aux autres, à ceux qui n’étaient pas, encore, dans cette salle, et qui, pourtant, y appartenaient. Pas la terre entière, juste des gens comme lui et moi, et de la même façon que je m’étais moi-même octroyé l’opportunité de rejoindre la salle, j’allais la rendre disponible à ceux-là, à ceux qui cherchaient l’adresse depuis longtemps, à ceux qui s’étaient perdus dans trop de faubourgs.
" -On va enregistrer quelque chose maintenant, m’annonça-t-il
- Et mon idée d’autobiographie ?
- Je vais réfléchir pendant que nous enregistrerons. Non, ça serait mentir. Je ne te laisserais pas écrire mon autobiographie. Une biographie peut-être. Je vais laisser la réflexion se faire, sur la bande, sur ma guitare, dans ma tête, et après nous collecterons le résultat. "
Ce que je découvrais chez Raphaël et apprenais à aimer jusqu’à presque y réduire son caractère tout entier, c’était sa façon de dire les choses. Il ne parlait pas pour faire sens. Il parlait pour faire passer un message, et ce message était souvent simple à comprendre. Le reste, le sens des mots, des phrases, lui était égal. Il aimait la musicalité, souvent il apprenait un nouveau mot qui lui plaisait et se mettait à l’utiliser dans de nombreuses phrases, comme un artifice. De même, il prenait les tics verbaux de ceux avec qui il parlait jusqu’à ce que ces tics soient devenus les siens et que ceux qui les utilisaient à la base soit si influencés par sa façon de les utiliser qu’ils en viennent à croire que c’est sur lui qu’ils les avaient copiées. Mais ici je vais trop loin et déjà je me sers de cette machine à voyager dans le temps qui me servira si souvent pour faire voyager à travers l’histoire des Narcisses. C’est aussi comme ça qu’il appelait la musique. La machine à voyager. Selon le moment, c’était dans le temps, dans les souvenirs, dans l’espace, dans les sentiments, dans l’eau, dans le ciel, dans les objets. Les voyages étaient multiples. Les voyages étaient infinis et ils se situaient en priorité dans la richesse des autres et non dans leur pauvreté comme les vols charters et les clubs de vacances.
Concentrons-nous sur ce moment du temps, fragment de mes souvenirs. Raphaël arrêta de jouer après quelques secondes et cogna violemment sa guitare en la posant à terre. A ses questions techniques, je lui répondais avec mon peu de savoir qu’il valait mieux enregistrer dans une petite pièce, fermée, et vide. Sans bruits de fond. Nous étions donc enfermés dans ce qui était autrefois des toilettes et une salle de bain et consistait désormais en une pièce malodorante jonchée de tentacules orphelines sortant du sol. Il n’y avait que lui et moi. J’allumais la machine et il me demanda de la laisser tourner, même dans le vide, tous le temps que durerai l’enregistrement. En guise de simple introduction, il nommait chaque chanson. " Rubbergun ", la première, à peine commencée, il se trompa dans un accord et quitta la pièce dans une volée d’insulte. L’enregistreur tournait toujours. A chaque fois que je réécoute ce moment, je ne peux m’empêcher de sentir mon cœur s’accélérer, je ne peux m’empêcher d’entendre cette voix en moi qui se demande si ça y est, si la pièce est retombée du mauvais côté. On n’entend plus que moi qui balbutie durant plusieurs secondes et puis Raphaël revient dans l’encablure de la porte et me dit sèchement qu’il ne peut jouer ainsi. Quand on réécoute la bande, c’est vrai, ça se passe en direct, la machine à voyager marche et c’est elle que l’on entend et non ce que l’on croit être le bourdonnement de l’enregistreur, c’est la preuve même qu’il se trompait, que même sans guitare il pouvait jouer, même dans ces conditions il pouvait jouer, le jeu c’était lui, la machine c’était lui, rien que lui. Je restais sans rien dire. Lui se radoucit, ça s’entend dans sa voix : " Je vais chercher les autres. Je ne peux pas jouer pour personne. Je peux pas jouer pour un enregistreur. " Je me demandais ce qu’il entendait par personne, ce qu’il voyait en moi. Un enregistreur ou personne ? Dans la pièce, pas très grande, arrivèrent Louise Champagne, Simon Kick, Lina Bardi, Pierre Ubik, le batteur des Narcisses qui me fut présenté sous le nom de Tristan Wehrlen, et une petite femme au visage couvert de tâches de rousseurs, " C’est Hélène Smith. Parce qu’elle adore les Smiths ". Je n’avais aucune idée bien sûr de ce qu’étaient les Smiths. Ils s’assirent presque tous, faisant fi de la nature du lieu et, finissant les derniers restes d’alcools, nous nous laissèrent bercer tous les sept par la musique de Raphaël Narcisse. Sur la bande, il nomme les chansons suivantes, dans l’ordre, le faux début étant exclu de cette liste, bien qu’inclut dans la version définitive de ce que nous appelèrent, ou appèlerons, ça dépend de votre position dans la machine à voyager, la Session 391 :
Turn ! Turn ! Turn ! (Peter Seeger)
Girlfriend in a coma ( The Smiths)
Can you see me ? (Adam Green)
Rubbergun (Les Narcisses)
Corpus Delicti (Les Narcisses)
All that money wants (The Psychedelic Furs)
I wanna be your dog (The Stooges)
Les auteurs ont été rajoutés par la suite entre parenthèse. ‘All that money wants’ est entièrement chanté par Lina Bardi. A la fin de la chanson, Raphaël Narcisse lui rendit le t-shirt qu’il avait volé et elle se rhabilla, le laissant finir torse nu, uniquement vêtu de bretelles rouges. Avant de commencer la prochaine et dernière chanson, il me regarda droit dans les yeux, et comme devinant que je l’observais, me dit " J’ai envie de me faire tatouer, mais je ne sais pas quoi encore ". ‘I wanna be your dog’ commença comme un duo entre Raphaël et Lina Bardi, leurs deux voix se superposaient et étaient bientôt rejointes par les nôtres, un collage qui ne prit fin qu’après plusieurs refrains répétés, la colère venant doucement et finissant par éclater en cœur " Now I wanna be your dog ! ". Un clin d’œil pour moi et Raphaël transforma son final solo en " Now who wanna be my dog ? ". Après les rires et les baisers s’engagea un dialogue entre Raphaël et moi, il me demande " Dis-moi un secret ? " et je réponds " En réalité je suis blond ". Alors il reste une phrase de la voix de Raphaël qui achève brutalement l’enregistrement : " Alors, si on parlait de ce livre sur moi ? ".
 
Comments:
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